Dans presque toute l'Europe, dès lâge du bronze, les populations savaient extraire le sel, au bord de la mer, près des sources salées ou dans des mines. Devenu « l'or blanc » indispensable à la vie et arme de lutte contre la famine, l'extension de sa production à partir du Xe siècle a contribué à l'essor économique et culturel de l'Europe au Moyen Âge. Le sel est devenu l'instrument de la richesse des États quand ils l'ont taxé d'un impôt particulier, la gabelle : les soulèvements armés des victimes de l'impôt commençaient au cri de « Vive le Roi sans la gabelle » et prenaient pour cible les greniers à sel, les gabeleurs et les privilégiés.
Le Sel et le Pouvoir, synthèse sur un millénaire d'histoire européenne préparée par vingt ans de recherches, analyse dans la longue durée le labeur des sauniers, l'évolution des techniques de production, la gestion des salines, le commerce maritime ou terrestre, la consommation, l'impôt et la fiscalité, la politique des pouvoirs. Il trace aussi une galerie de portraits où se côtoient les puissants, papes, empereurs, rois, princes, évêques et abbés, marchands, fermiers et le monde du travail, les paludiers, sauniers, ingénieurs, inventeurs, paysans, contrebandiers, marins, haleurs de barques à la remontée des fleuves.
L'auteur nous guide ainsi dans une réflexion sur la société d'Ancien Régime et la nature du féodalisme. Il nous entraîne à la poursuite du sel transmué en or, vieux rêve alchimiste, dès que les puissants s'en emparent, jusqu'à ce que la révolution industrielle du XIXe siècle, en supprimant l'impôt, rende à ce vil produit son rang de marchandise ordinaire. Jean-Claude Hocquet, agrégé d'histoire, docteur ès lettres, professeur à l'Université de Lille III, a écrit Le Sel et la fortune de Venise (1200-1650) et de nombreux articles de revues d'histoire maritime, économique, financière et sociale.