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L'historien de l'Ancien Régime est comparable aux pionniers de la photographie : il peine à saisir le mouvement. Les sources dont il dispose sous forme de séries les plus complètes (aveux et dénombrements, minutes notariales) privilégient les tenanciers, les propriétaires, les sédentaires. Si les flux et reflux des migrations saisonnières - les « remues d'hommes » - ont pu progressivement être reconstituées, il reste aujourd'hui très difficile de percevoir les circulations volatiles, diffuses et non répétées, pourtant tout aussi fréquentes. Le « peuple de la forêt », celui des bûcherons, charbonniers ou fendeurs, travaillant au gré des chantiers d'abattage, appartient à ces populations nomades qui sillonnent les routes de France aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ils ne sont connus que par le prisme de l'histoire de la sylviculture, celle du droit forestier aussi, et de ces conflits, avec le pouvoir ou avec le monde paysan, qui établissent leur réputation de turbulence. Même les ouvrages plus spécifiquement consacrés au travail des taillis et des futaies laissent d'eux une vision partielle et inachevée : les cognées résonnent, les arbres tombes, les meules cuisent sans que les hôtes des bois soient l'objet d'un portrait social étoffé. Les techniques sont décrites, guère le manoeuvre... Ce livre a pour ambition de chercher à combler cette lacune historiographique en partant de l'exemple des forestiers qui ont traversé le Poitou et le Berry. Grâce à la minutieuse reconstitution des trajets individuels et familiaux, fondée sur les registres paroissiaux d'une quinzaine de départements du Centre Ouest français, un milieu professionnel sort des ombrages avec ses solidarités, son mode de vie, son insertion dans la société du finage qui ne sont pas toujours conformes à l'image convenue des rapports d'administrateurs. Une France des routes et des marges, nomade et oubliée, apparaît ici. Sa confrontation avec l'autre France, celle plus stable et bien connue des bourgs et des terroirs, nous offre l'occasion supplémentaire d'un regard, d'ensemble mais « périphérique », sur les mécanismes et les fondements de la société d'Ancien Régime. Né en 1967, Sébastien Jahan est maître de conférences en histoire moderne à l'Université de Poitiers. Spécialisé dans l'histoire de la parenté et l'étude des phénomènes migratoires, il poursuit actuellement ses recherches sur les ouvriers itinérants à l'Institut Universitaire Européen de Florence (bourse Jean Monnet). Né en 1961, Emmanuel Dion est professeur en classes préparatoires (Chartes) au lycée Fustel de Coulanges à Strasbourg. A travers ses recherches sur les officiers de justice d'Ancien Régime et la notabilité du Premier Empire, il étudie les évolutions de la société traditionnelle en Poitou.