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Le paradoxe qu'étudie ce livre est le suivant : comment se fait-il que les libérateurs postcoloniaux, nourris de culture européenne laïque et socialiste, dans les trois cas examinés, emblématiquement représentés par Ben Bella en Algérie, Nehru en Inde, et Ben Gourion en Israël, aient été récusés dans les faits au bout d'une trentaine d'années, la religion faisant un retour irrépressible, à l'encontre de tout ce qu'ils avaient voulu et prévu ? Pourtant, ce retour du religieux entraîne toujours une recomposition nouvelle, et non la reproduction de l'archaïque laissé derrière soi. Le religieux qui s'affirme, le religious revivalism, ne correspond pas à ce que la libération nationale avait nié en se produisant. Il a plutôt grandi à l'ombre de cette négation, et a revêtu des traits spécifiques, qui doivent être compris dans leur vraie nature, si l'on veut redonner une chance au projet politique moderne, dans ces États et ailleurs.
Bruno Karsenti (né en 1966) est philosophe des sciences sociales et directeur d'études à l'EHESS. Spécialiste de Durkheim, de Marcel Mauss et d'Auguste Comte, il codirige aux PUF la collection « Pratiques théoriques ».