Maurice Magre (1877-1941)
"Il y a dans le vieux quartier de Singapour une rue avec deux pentes qui forme la bosse d'un chameau. Au sommet de cette... > Lire la suite
Maurice Magre (1877-1941)
"Il y a dans le vieux quartier de Singapour une rue avec deux pentes qui forme la bosse d'un chameau. Au sommet de cette bosse, parmi les maisons lépreuses écrasées les unes contre les autres, s'ouvre une porte grossièrement sculptée dont la partie haute représente un mufle de félin et que l'on appelle à cause de cet emblème, la porte du Tigre.
Une des deux pentes de la rue descend vers un bassin abandonné du port où l'on relègue les sampans hors d'usage et les jonques à demi-mortes. Et à l'endroit où la rue bossuée aboutit au quai étroit, une pierre aiguë surgit du sol, nommée par la population chinoise et malaise, la dent du requin.
En vérité, ce ne pouvait être que dans cette rue où tout était à l'image de l'animal, que moi, le fils de commerçants en bêtes empaillées, devenu le dompteur intrépide de bêtes vivantes, je devais voir s'allonger sur mon âme la première ombre de ma destinée étonnante.
- C'est à la porte du Tigre ! me dit Ali le Macassar, qui connaît aussi parfaitement les hommes de Singapour que les forêts de l'Archipel et qui prétend que les uns sont aussi sauvages que les autres, lorsque je lui demandai de m'indiquer la fumerie d'opium la plus couleur locale de la ville. Dans le quartier pourri qui enveloppe d'une couronne de lèpre l'eau du vieux bassin en décomposition, il n'y avait, d'après Ali le Macassar, qu'un point unique, une seule porte à franchir, la porte du Tigre.
- La fumerie vaut par l'homme qui la tient, ajouta-t-il. Là, il y a un homme."
Rafaël Graaf, surnommé le Tigre, est connu à Singapour en tant que dompteur et vendeur d'animaux exotiques. Pourtant ill n'a jamais aimé les animaux et s'ingénue à les torturer. Arrivera-t-il à se débarrasser de cette bestialité qui affecte son âme ?