La sensation que j'éprouvai, la première fois que je vis un papillon, est perdue dans la nuit des temps, je ne m'en souviens pas plus que de mes premiers... > Lire la suite
La sensation que j'éprouvai, la première fois que je vis un papillon, est perdue dans la nuit des temps, je ne m'en souviens pas plus que de mes premiers pas, ou de ma première neige. Il en résulte une impression de ne les avoir jamais découverts, comme s'ils étaient advenus au monde avec moi. Pour un peu, ils me sembleraient, telles des créatures issues de mes souffles, moins étrangers que la Terre. Je me suis toujours trouvé en affinité avec eux, face à l'impassibilité des plantes, des chemins, des maisons, des montagnes. De même qu'aujourd'hui, dans les transports en commun, au milieu d'individus que le hasard des parcours assemble, je ne saurais trouver d'autre branche de salut que les pages d'un livre, ou à la rigueur les affichettes des publicités, de même j'imagine que je n'ai trouvé mieux pour échapper à l'inertie et à l'ennui, dans mon enfance isolée, que l'animation du vol des papillons. Ils m'évadaient en moi-même, tout comme les mots tressautant des romans sur les genoux des voyageurs. Le miroir aux papillons s'inscrit dans la quête des états d'enfance que Patrick Drevet a entreprise avec Le gour des abeilles et La Micheline. Il privilégie, cette fois, l'énigme de la beauté. Beauté des moments et des paysages qui, soudain, le subjuguent au milieu de ses courses, beauté des corps, dont il ressent l'apparition brutale comme un coup de semonce, des visages quand ils le frappent pour la première fois, beauté des gestes artisanaux acharnés à produire, eux aussi, la beauté.. Le vol des papillons, tels des éclats épars et préhensibles, propose ici un fil d'Ariane, pour découvrir un sens au chaos d'émois et de sensations dont est constituée une sensibilité.