Il n'existe jusqu'à présent aucun recueil des traditions parlées de notre vieux duché. Si l'exemple que je donne est imité, j'aurai du moins signalé... > Lire la suite
Il n'existe jusqu'à présent aucun recueil des traditions parlées de notre vieux duché. Si l'exemple que je donne est imité, j'aurai du moins signalé le premier une source nouvelle d'études historiques et littéraires. Les contes que l'on va lire sont, en effet, bien loin d'être les seuls que l'on puisse recueillir : nous nous sommes borné à publier les plus connus, ceux desquels s'exhalait cette senteur du pays qui ne peut tromper. Obligé de donner en français ces traditions bretonnes, nous pouvions, à notre insu, en altérer l'allure, y mêler des idées, des expressions, des images françaises. Il n'y avait qu'un moyen d'échapper à ce danger, c'était d'écrire d'abord nos récits en breton! [...] On trouvera peut-être nos récits bien arrangés pour des récits parlés ; mais nous ferons observer qu'à force d'avoir été répétées, ces traditions ont pris une allure consacrée et pour ainsi dire officielle. Les conteurs ne répètent pas seulement les mêmes faits dans le même ordre ; ils se servent, le plus souvent, des mêmes expressions, et leur narration n'a aucune des incertitudes ni des aventures de l'improvisation. [...] Nous avons intitulé notre livre le Foyer Breton, parce que c'est réellement sur l'âtre de nos paysans, devant leur feu de landes ou d'algues marines, que nous avons écouté les récits qui le composent. Ces souvenirs du pays, nous les renvoyons au pays, qui, nous le craignons, les aura bientôt oubliés tous ! Dans ce naufrage du passé, nous tAchons au moins de sauver la poésie, trop heureux si notre livre pouvait devenir jamais ce qu'il voudrait être, c'est-à-dire les Mille et une nuit, de la Bretagne (extrait de l'Introduction, éd. originale de 1845).
Emile Souvestre (1806-1854), né à Morlaix, tour à tour avocat, directeur de journal, professeur et finalement romancier populaire et un des folkloriste précurseur de la Bretagne. Introduction de Jean André Legall.