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Avec ce roman publié tout juste après la deuxième guerre mondiale, en 1946, Marcel Aymé délaisse les campagnes et les paysans madrés qui formaient l'univers de 'La jument verte' au profit des petits bourgeois parisiens, et le second empire pour l'occupation allemande, sans rien rabattre de son impertinence ni de sa sensualité piquante, sans renoncer surtout à pourfendre l'hypocrisie ambiante dès que l'occasion s'en présente. Et pourtant, il est bien difficile de croire que 'le chemin des écoliers' est né de la même plume que 'La jument verte' tant ces deux livres sont différents, tant le premier, en somme, offre à foison ce dont la seconde manquait à mes yeux cruellement: des personnages terriblement humains et un vrai regard de bonne grosse tendresse pour leurs innombrables défauts et manquements.
Car bien sûr, tout émoustillés par les longues jambes de Solange, leur secrétaire, les
(anti-)héros de Marcel Aymé ne sont pas exactement des maris fidèles. Ils sont gourmands, fricotent tant et plus au marché noir - les temps sont durs et il faut bien vivre. Ils préfèrent tant que c'est possible reporter à plus tard l'achat d'une nouvelle paire de chaussures pour le fiston afin de pouvoir payer leurs cigarettes et ne sont que trop enclins à engouffrer au petit-déjeuner bien plus que leurs trois tartines beurrées réglementaires. Mais au fond, Michaud et Lolivier, son ami et associé de la S. G. I. ou Société de Gérance des fortunes Immobilières de Paris, ne sont pas des mauvais bougres. Ils sont même pleins de bonnes intentions, et de la bonne grosse tendresse, il y en tant dans leurs rapports qu'elle envahit jusqu'à leurs engueulades les plus sonores.
Au travers de la vie familiale et professionnelle de nos deux bonshommes, Marcel Aymé nous invite à la découverte de tout un petit monde grouillant de vie dans le Paris de l'occupation. On y croisera tour à tour soldats occupants et patriotes convaincus, cocottes et petits collabos, rapaces ou antisémites qui s'ignorent plus ou moins, autant de seconds rôles dont le destin nous est révélé en des notes de bas de pages souvent désopilantes alors même qu'elles apportent au 'Chemin des écoliers' une incontestable touche de noirceur que vient encore renforcer le récit des penchants sadiques du fils Lolivier...
Tendre à faire fondre et pourtant bien sombre, voici un livre comme une tablette de chocolat: noir, amer, fondant en bouche... Et ça, franchement, ça me plaît bien. Voilà donc que je ne suis plus tout à fait fâchée avec Mr Aymé , -)