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Il y a dans la violence que doivent aujourd'hui affronter nos sociétés une dimension propre à la langue. Quiconque a fait l'apprentissage de l'éducation doit reconnaître au creux de sa propre expérience la manière dont la langue façonne, modèle, impose. Quant au XXe siècle, il s'est chargé de nous montrer comment la langue peut condamner à une mort certaine. C'est cette dimension propre au langage que se propose d'explorer le philosophe Marc Crépon, convaincu que le noud de toute violence tient d'abord dans la langue et l'usage que nous en avons. S'il chemine avec Kafka, Lévinas, Singer ou Derrida, ce n'est pas seulement parce que chacun d'entre eux s'est en son temps insurgé contre les détournements de la langue, préludes aux plus grands crimes commis contre l'humanité, constituant un réservoir d'expériences, pour prévenir les prochains massacres. C'est aussi parce que leur ouvre affirme la vocation de l'écriture : celle qui fait de la littérature et de la philosophie l'arme ultime pour démasquer, au coeur de la langue, la violence et la haine dont celle-ci est porteuse. Affirmer la vocation de l'écriture, c'est retourner la langue contre elle-même, désamorcer ses potentialités meurtrières en l'ouvrant à l'échange, à la responsabilité, à l'humanité, quand celle-ci se fixe autrui et le monde comme buts. Normalien, agrégé de philosophie, Marc Crépon est directeur de recherches au CNRS et directeur du département de philosophie à l'École normale supérieure. Il a notamment publié Le Consentement meurtrier.