La vigne au loup

De cette nouvelle saga de Pierre Arnoux s'exhale un effluve d'âme, la vraie, celle qui assoit l'homme dans sa vérité naturelle. Nul besoin d'être de souche franc-comtoise pour oser cette plongée au cour de « la vigne au loup » et frayer le chemin de l'espérance aux côtés d'Alexandre Henriot, le rémégé du village de Bonchamps. Conteur des temps modernes, l'écrivain, un enfant du pays, se fait ici témoin d'un monde paysan aujourd'hui disparu et pourtant berceau façonnier de notre essence humaine.
Un monde où les enfants passaient peut-être plus de temps le nez dans la terre que dans les livres, où les joies simples mais profondes puisaient leurs forces et leurs valeurs dans les racines du terroir et dans les joies de la communion avec la nature. Une même sève, ferment de vie, coule dans les veines de cette nature comme dans celles des hommes, unis pour vivre. Au rythme du jour et de la nuit, du temps, des saisons et des caprices de la nature, malgré la misère et les heures de travail et d'effort, des cours d'hommes se battent pour sauvegarder l'âme de la tradition.
Ourlé d'humilité, le personnage d'Alexandre se révèle discrètement pour nous dévoiler une dignité authentique. Ruinés par le mildiou qui ravage leurs ceps, les vignerons bonchanois tourneront leur regard et leurs espoirs vers le Mexique. Y trouveront-ils des jours meilleurs ? Un livre qui diffuse un arôme étrange et subtil, mais aussi un amour lumineux de la terre à la saveur pleine qui laisse un bon goût de terroir en bouche.
Les fidèles de l'ouvre de Pierre Arnoux y retrouveront avec bonheur cette façon si personnelle d'écrire au plus profond des mots, relevée de cette pincée délicate d'humour et de verve, et le long de ces mots toujours cette immense espérance qui ruisselle, « comme l'oiseau qui chante dans un buisson d'épines, il voulait espérer ». Avec des mots qui coulent, émanations du cour, et se font miroir des émotions, « dévoilant les vapeurs laiteuses. », Pierre Arnoux nous offre un livre qui vient chatouiller et nourrir le cour « comme la merveilleuse odeur de pain chaud qui avait envahi la chambre à four ».
Anna Poninska