Bousquet Joë - La Tisane de sarments : Contrairement à Iris et Petite Fumée où le médecin est victime de son patient, dans la Tisane de Sarments c'est Sabbas, le sorcier-contrebandier, qui mène la danse. Figure de Satan et passeur de mort, il fournit ce qu'on lui demande et, en particulier à Don Bernard Bassas, poète et troubadour, la tisane de sarments élaborée par sa femme dans la caverne de Corbière, drogue plus forte que toute autre, liqueur qui épuise les ressources de qui la boit.
Maléfique, elle ouvre à l'expérience sensible mais, aussi, aux portes de la mort. « Au début, la tisane de sarments m'a aidé à trouver mes mots, après, c'est le besoin que j'avais de ce breuvage qui me talonnait. » Bien que présenté comme roman, ce récit est plus un conte poétique où les thèmes de l'identité, le miroir, la Vie, la Mort, la dépendance, thèmes bien connus des lecteurs de Bousquet, sont traités avec autant de sensibilité que d'hermétisme.
Sabbas, vrai senhal de la poésie médiévale occitane, est un être de l'ordre de Satan - est-il mort, est-il vivant ? « C'est un homme affreusement pâle.
Son visage et ses mains ont la couleur des racines d'iris. » La tisane de sarment, en occitan tisana de gabels, que l'on soit à Corbières ou ailleurs, c'est, littéralement, le vin. C'est sans doute d'autres drogues qu'évoque Joël Bousquet dans ce conte. De lui, il écrit : « Je ne suis en ce monde qu'une fable sur mes propres lèvres. Je suis quelqu'un qui a vu survivre en lui son être à la mort de l'homme.
Oui, après un accident terrible, ma vie a pris la forme qu'il fallait pour se substituer à moi. Ce fut très singulier, ce qui se passa dans mon cour ; la vie buvant l'oubli du monde à sa propre source... » (source de cette présentation : Françoise Haffner, Les figures du Passeur dans La Tisane de sarments de Joë Bousquet, Presses universitaires de Perpignan, 2003 , Open Éditions Books, 2013.)
Joë Bousquet, né à Narbonne (Aude) le 19 mars 1897 et mort à Carcassonne (Aude) le 28 septembre 1950 à l'âge de 53 ans, est un poète et écrivain français.
Immobilisé à vie par une blessure de guerre le 27 mai 1918, il a composé une ouvre poétique romanesque. Elle mêle contes, journaux, poèmes, récits, romans, méditations philosophiques, où les mots seuls importent et la pensée impose son rythme. Pendant les 32 années où il vécut dans sa maison de Carcassonne, il reçut les visites des plus grands écrivains et artistes - Paul et Gala Éluard, Max Ernst, Louis Aragon et Elsa Triolet, Simone Weil, André Gide, Gaston Gallimard, Jean Paulhan.