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Mi-fiction, mi-autobiographie, À la recherche du temps perdu répond à la volonté de son auteur de se fabriquer une identité narrative destinée à apaiser un malaise existentiel diffus. Chez Marcel Proust, si ce malaise a donné lieu à une tentation nihiliste trouvant dans la philosophie de Schopenhauer un appui théorique, il a surtout permis que soit mise en jeu et en forme une conception de la psyché qui servira de modèle à toute la modernité. Cette conception, qui repose presque exclusivement sur la crise du sujet, explique que les structures constitutives du Moi - arbitraire du pouvoir de l'inconscient, emprisonnement dans son organisme, fatale dénaturation des mouvements affectifs, impuissance de l'intelligence - justifient, à elles seules, les errements du protagoniste, les doutes identitaires dont il est assailli, comme la destruction des rapports communautaires auxquels il prend part. Mais la modernité de Proust ne se révèle pas seulement dans la peinture de ce destin catastrophique ; elle éclate de façon plus décisive encore dans l'étonnant rétablissement qui, à la fin du roman, remet le sujet au centre de lui-même et lui permet de surmonter sa tentation première.