Biographie de Julie Cuvillier-Courtot
Julie Cuvillier-Cortot est une femme cardinale... elle a mis longtemps à se définir ainsi et cette expression la ravit. Elle est de partout et de nulle part mais pétrie de soleil, de froid, de cannelle et d'anis, de fleurs d'oranger et d'ambre, de méditerranée et de montagnes, de sapins et de cyprès, de menthe et de lait, de vert et de bleu, de sable et de roches, de fenouil sauvage et de digitales, de neige et de sable.
Elle vient d'un Nord. Elle est d'un Sud. Elle vient de l'Est et elle vit à l'Ouest.
Ainsi son histoire débute à la frontière franco-allemande où la grande Histoire raisonne encore de son passé douloureux. Plongée dans la longue nuit des enfants abandonnés à la naissance, elle commencera sa vie seule du côté du Reberg. En 1978, une famille accueillera à quelques kilomètres cette enfant métisse, née d'un paradoxe.
Elle aura mis presque quarante ans pour arriver au bout de sa quête identitaire et à en comprendre les enjeux. Dans les années 70, les séquelles de la guerre d'Algérie, ceux de la seconde guerre mondiale sont encore effectifs et raisonnent dans certaines familles comme des mauvais airs que l'on voudrait oublier. Et puis, à cette époque-là, les mouvements migratoires d'Afrique du Nord vers l'Alsace sont d'actualité.
Parfois on traverse les murs vers l'autre venu d'ailleurs, parfois on s'accueille parfois on se hait, parfois on partage parfois on se toise. L'origine de Julie est une géographie d'émotion et de contradictions. En elle s'écoule la musique de trois pays qui ont eu dans un passé proche mal à leurs frontières. Ainsi va l'Histoire qui a souvent raison de la destinée d'enfants dont on ne peut pas vouloir.
Des Malgré-eux en somme. Au bout de quarante ans donc, elle ose prendre la plume pour sublimer les parts manquantes dans trois courts récits, aussi différents soient-ils, qui lui permettent de parler dans des temps diégétiques différents de l'Être, du Désir et de l'Altérité. Ce par le biais de personnages au féminin qui la dévoilerait à elle de manière fragmentée. Une étrange autofiction qui raconte souvent ce qui va advenir vraiment comme si l'inconscient du langage littéraire était la seule clé pour la mener vers son identité volée, cachée, scellée par une loi injuste à l'endroit des enfants.
Ses histoires racontent ainsi sa géographie interdite au départ. Mais de voyage en voyage vécus comme des détours pour ne pas affronter la bonne trajectoire, elle finit par aller approcher ce Maghreb paternel. Après avoir écrit La Femme cardinale elle s'est envolée vers Tunis pour rentrer et lire Le voyage d'Urien d'André Gide. Après avoir fait jaillir Les Amants de Vénus, elle est partie là-bas, du côté des Aurès en Algérie voir ce qui avait chanté en-dedans.
Elle rentre encore plus déterminée et armée de courage. Pour elle, l'écriture, la lecture et l'onirisme des voyages sont comme des actes de résilience et de résistance. C'est d'ailleurs ce qu'elle cherche à insuffler à ses élèves.
Après avoir obtenu un DEA de littérature comparée, elle laisse en effet de côté le champ de la recherche et se consacre à l'enseignement du français. Professeure certifiée de Lettres modernes, souvent au plus proche des enfants dits en difficultés, elle fait de sa propre expérience un don par désir d'altérité.
C'est d'ailleurs de cela dont il s'agit dans ce dernier récit. Avec la passe muraille, elle voulait parler de ces autres qui malgré leurs différences « s'efforcent de » puis « apprennent à » vivre ensemble.
« Avoir peur des autres ne sert à rien. Les cours qui battent n'ont pas de couleur. Ils sont faits pour s'entendre et parfois s'aimer. Doucement, sans préjugés. » Ainsi s'achève l'histoire de Fadil, Coline et Joseph.
Dans la beauté d'une vie qui s'en est allée comme un souffle d'espoir pour tendre vers une humanité? sans frontière.