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L'école de Jules Ferry, qui incarne dans la mémoire collective l'égalitarisme de la IIIe République, est généralement identifiée à l'école rurale à classe unique, qui serait alors une véritable petite république scolaire placée sous la direction d'un de ces hussards noirs célébrés par Charles Péguy en 1913. Mais, au-delà de ces représentations mythifiées de la communale, qu'en était-il à cette époque dans les grands établissements urbains de la capitale et de sa banlieue ? Dans le département de la Seine, berceau du modèle scolaire républicain, l'analyse des statistiques scolaires, ainsi que celle des rapports et correspondances retrouvés dans les dossiers des instituteurs et institutrices, fait apparaître la réalité d'une école modernisée offrant des conditions d'accueil de plus en plus satisfaisantes malgré les difficultés matérielles de mise en ouvre de l'obligation scolaire. La population urbaine mobilisée autour d'un enseignement primaire vécu comme un idéal émancipateur fait l'apprentissage des usages sociaux d'un capital culturel garanti par l'école grâce au certificat d'études. Mais les archives de terrain mettent aussi en évidence les conditions moins favorables prévalant dans les écoles des quartiers ouvriers de la périphérie parisienne et de la banlieue, et témoignent de relations entre les milieux populaires urbains et l'école plus complexes que ne le laissent supposer les représentations dominantes prévalant dans la mémoire collective. Cette ambivalence des rapports de la société urbaine à l'école républicaine est indissociable du fonctionnement institutionnel de cette dernière et de l'idéologie méritocratique dont il est le reflet. La réalité historique de l'école publique urbaine de la IIIe République peut alors nourrir une réflexion plus générale sur le rôle de l'école dans la perpétuation des inégalités sociales et culturelles.