Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Charles-Ferdinand Ramuz. "Il y a chez Ramuz du primitif, du témoin de l'Ancien Testament, de l'inspiré... > Lire la suite
Texte intégral révisé suivi d'une biographie de Charles-Ferdinand Ramuz. "Il y a chez Ramuz du primitif, du témoin de l'Ancien Testament, de l'inspiré naïf et à la fois très affiné par une longue culture du poétique et du mystique. Comme si "La Grande Peur dans la montagne" trouvait sa force tout ensemble dans l'effroi viscéral de l'être nu, brut, sans défense, et dans l'intuition élaborée et savante de l'angoisse spirituelle et des ressources hallucinatoires de la crainte. Avec cette façon si étrange de mêler la nature et le surnaturel, le là et l'au-delà, pour revenir à la définition de Roger Caillois. L'arme affûtée de l'art fantastique. Une rhétorique peu évidente, logiquement mal définissable et pourtant visible, audible, touchable, parce que ce sont premièrement les sens qu'elle atteint, et qu'elle entretient ensuite dans un état d'alerte obsédant et incantatoire. Car l'incantation porte la peur, de part en part du roman, et c'est sur le rythme de la répétition que se déroule cette épopée triste, comme une chronique lamentable de l'échec, de la désillusion et de la mort. Puisque telle est l'issue de "La Grande Peur", et avec elle la liste des morts qui clôt le roman de sa sobriété poignante, le romancier prophète nous réservant, en classique, la morale explicite pour la fin, quand tout a basculé dans la défaite: "... c'est que la montagne a ses idées à elle, c'est que la montagne a ses volontés." De sorte que l'énumération funèbre des disparus et cette sombre sentence ferment moins cette histoire qu'elles ne l'ouvrent sur un avertissement lourd, et solennel, qui retentit en nous, une fois encore, comme une Parole revenue du fond des âges sacrés." (- Jacques Chessex).