L'expression « nos ancêtres les Gaulois » a longtemps eu vocation à dire, sans contestation possible, les origines de la nation française. Ce roman... > Lire la suite
L'expression « nos ancêtres les Gaulois » a longtemps eu vocation à dire, sans contestation possible, les origines de la nation française. Ce roman national commençait par un lever de rideau qui présentait ces lointains ancêtres, intelligents mais bagarreurs, joyeux mais buveurs, braves mais désunis, glorieux mais vaincus. Au-delà de son illusoire évidence, l'expression pose de nombreux problèmes historiques et épistémologiques. Cette fabrique des ancêtres révèle une conception particulière de l'identité et de la nation par un usage politique, moral et éducatif de l'histoire. Le grand historien Ernest Lavisse en est un des forgerons par ses écrits universitaires et ses célèbres manuels scolaires, les Petits Lavisse. Car il s'agit bien de faire la nation, et c'est à l'école qu'elle se forge. Il faut donc s'intéresser au façonnage de « nos ancêtres les Gaulois », aux choix et aux silences des discours scientifiques et scolaires, en les replaçant au cour des débats archéologiques, historiques et politiques du demi-siècle lavissien (1876-1922). Instituteur de la République, Ernest Lavisse a forgé de sa plume, par l'écriture historique, une conception nationale du Gaulois, l'un des personnages majeurs dont la IIIe République naissante avait besoin. Cette histoire des savoirs montre que les propos historiques sur les origines antiques de la nation se révèlent être un discours sur le présent, qui prend la voix du passé.