René de Pont-Jest (1830-1904)
"À l'époque où nous plaçons les premières scènes de ce récit, en 1848, le bal Besnard, à Reims, n'était certainement... > Lire la suite
René de Pont-Jest (1830-1904)
"À l'époque où nous plaçons les premières scènes de ce récit, en 1848, le bal Besnard, à Reims, n'était certainement pas un lieu de réunion des plus aristocratiques, sa clientèle ordinaire se recrutant surtout parmi les petits employés, les contre-maîtres et les ouvrières des fabriques de tissus de la grande cité industrielle ; mais les jeunes gens d'un monde plus élevé s'y hasardaient cependant volontiers, pour y rencontrer les belles filles qui se livraient là, sous l'oil paternel de l'autorité, à ces ébats de demi-caractère dont le nom, par ses deux mêmes syllabes accolées : cancan, semble emprunté au vocabulaire ornithologique et que les Anglais appellent sérieusement notre danse nationale.
L'établissement ressemblait à tous ceux du même genre : un long parallélogramme, au plafond grossièrement colorié, d'où descendaient quelques becs de gaz en forme de lyre, et dont le pourtour, espèce de galerie, était garni de petites tables de marbre pour les consommateurs.
Puis, juché sur une estrade, au fond, un orchestre d'une composition quelque peu hétéroclite : deux serpents d'église, clarinettes le soir, vivant ainsi du profane et du sacré, deux violons allemands et deux cornets à pistons infatigables.
Ce sextuor raclait et soufflait avec un ensemble suffisant, et l'une des plus assidues parmi les prêtresses de la chorégraphie libre que ces musiciens entraînaient deux fois par semaine, sans compter les jours de fête, était une jeune fille de seize à dix-sept ans ; Rose Lasseguet, dont la taille flexible, la forêt de cheveux blonds, les grands yeux de myosotis, la petite bouche moqueuse et une sorte de distinction native faisaient une des plus séduisantes créatures qu'il fût possible de voir."
Rose, une jeune modiste, épouse Jean qui est graveur. Les affaires sont prospères jusqu'au jour où Jean est arrêté, avec un de ses amis, pour fausse monnaie...