Elle fut très belle et animée d'un esprit vif. Devenue vieille et gâteuse, elle importune son entourage. On va donc l'escamoter dans un de ces mouroirs,... > Lire la suite
Elle fut très belle et animée d'un esprit vif. Devenue vieille et gâteuse, elle importune son entourage. On va donc l'escamoter dans un de ces mouroirs, où notre société cache ses vieillards afin que ne soit pas troublée la bonne conscience. Mais le fils n'accepte pas que la déchéance de sa mère serve d'excuse à ce rejet. Peut-être refuse-t-il, lui, un certain confort moral. Ainsi débute une étrange histoire d'amour. Le fils recrée sa vieille mère. Il la poétise, remeublant cet esprit vide, en utilisant d'abord les souvenirs, puis en imaginant la petite vieille lucide qu'il aurait aimé que sa mère fût. Cette créature embellie ne vit plus que par la grâce du fils, comme le fils, jadis, ne vivait que par sa mère. L'histoire se déroule dans le cadre, à la fois tragique et serein, d'un hospice de province, où l'auteur nous fait entrer sans nous épargner aucun détail du spectacle. Mais cette objectivité, parfois cruelle, n'a rien de sordide ou de complaisant. Au contraire, elle est le support d'une bouleversante tendresse. Car le narrateur qui, face à la déchéance et à la mort, se voulait moderne, efficace et dur, commence, à travers sa mère, à aimer ces vieillards dont il découvre, tout simplement et avec stupéfaction, l'existence. En même temps, c'est sa propre mort qu'il commence à affronter. Ce récit, tantôt violemment réaliste, tantôt lyrique, tantôt sarcastique, tantôt désespéré, est finalement un immense cri d'amour.