Il y a des romans en robe du soir ; plus encore vont en chemise de nuit. Ceux de Madame Ferny Besson sont en costume tailleur. Elle ramène au tous-les-jours... > Lire la suite
Il y a des romans en robe du soir ; plus encore vont en chemise de nuit. Ceux de Madame Ferny Besson sont en costume tailleur. Elle ramène au tous-les-jours les situations les plus exceptionnelles. Luigi Canizatto, qui cassait des cailloux sur les routes d'Italie, devient industriel en Suède, au bord du Lac Vättern. C'est l'histoire d'une éducation, d'une éducation par la vie. C'est un roman "d'apprentissage", comme le "Wilhelm Meister" de Goethe. Il faut rendre, disait Goethe, le fantastique réel. Une femme qui boite, un pays qui boite, donneront à un homme dont le caractère boite un style de vie équilibré. Le vrai sujet du roman est cette femme étonnante qui a l'air sortie d'un conte de Selma Lagerlöf. Mais, excessive et quotidienne, terrestre et spirituelle, boite-t-elle après tout autrement que ne font tous les hommes ? On aimera cette Suède, boiteuse aussi, partagée entre le frigidaire et de grands songes chevaleresques ; où "l'imagination d'avril exagère" et où le rêve épique s'assied dans un fauteuil. On y trouvera la sensation de la vie qui passe avec ses drames, ses richesses, son épaisseur ; ce goût de rêve qui se mêle à tout ce qu'écrit Ferny Besson ; ce style qui ne triche pas ; ce refus des effets ; cette obstination à chercher ce qui est au-delà de l'objet tangible. Il en sort deux Suèdes remarquables : celle de la géographie, et une espèce de Suède morale qui est, au fond, un style de vie. Madame Ferny Besson est une valeur sûre ; elle n'écrit jamais pour rien. Une fois finis, ses livres recommencent dans l'imagination du lecteur.