L'aventure politique détermine le sens de l'écriture chez Verlaine : sa manière. Contre la tradition qui a cultivé l'image affadissante d'un chantre... > Lire la suite
L'aventure politique détermine le sens de l'écriture chez Verlaine : sa manière. Contre la tradition qui a cultivé l'image affadissante d'un chantre élégiaque, aux accents pathétiques, cet essai montre avec force qu'il a été un poète résolument engagé dans son siècle. Si l'écrivain s'énonce toujours « en sourdine » ou sur le « mode mineur », c'est qu'il y reconnaît, en vers comme en prose, l'expression d'une éthique et d'une politique destinées aux victimes de l'histoire. Verlaine écrit d'abord pour les humbles, les sans-noms, tous ceux qui sont réduits au silence, et ne savent pas qu'ils ont droit au monde. L'emblème en serait le projet des Vaincus, un livre qui a hanté le poète de 1867 à 1874. Car il illustre une tension fondamentale entre l'exil et l'utopie, qui traverse toute l'ouvre. De Poèmes saturniens à Sagesse et Bonheur, une même relation unit le sujet à l'histoire : démocrate et socialiste au temps du bonapartisme, chrétien en pleine ère laïque et républicaine, il reste exclu et dominé. Exilé, le sujet renouvelle sans cesse l'exigence critique d'un monde meilleur. Le sens de l'utopie fonde le devenir de l'ouvre chez Verlaine.