« Je connaissais les fumeries de Vienne et de Paris, bouges de pacotille pour mondains avides de se souiller. J'y venais surtout pour me rassasier de... > Lire la suite
« Je connaissais les fumeries de Vienne et de Paris, bouges de pacotille pour mondains avides de se souiller. J'y venais surtout pour me rassasier de femmes du monde, livides et masquées, vautrées sur des sofas, dont on pouvait jouir vite et sans honte ; dans la brume poisseuse du matin, elles feindraient d'avoir tout oublié. Dans ce galetas de Vancouver, c'est la misère qui gisait, de corps en corps, la misère et l'effroi, et l'ombre de la mort. Je n'étais plus sûr de rien. »
A la fin du siècle dernier, Isidore, un jeune médecin, quitte la France pour Vancouver et les Iles de la Reine Charlotte, au large de la Colombie Britannique : avec lui, treize orphelins, treize « enfants-vaccine » qui porteront sur leur corps le remède à la mort rouge, la terrible variole. Venue d'Europe avec les chercheurs d'or, elle décime les peuplades indiennes du Nord de l'Amérique. Lorsqu'Isidore parvient aux Iles, il est trop tard. Meurtri par le sentiment de sa propre impuissance, sauvé du désespoir par la jeune Indienne Lâlâ, aussi volubile qu'il est muet, il échoue dans une fumerie d'opium : c'est là, dans ce lieu où ne pénètre pas la lumière du jour, qu'il rencontre Frantz, un anthropologue viennois. Abandonnant la vie réelle pour l'ivresse du souvenir, il se confie à lui, entre deux rêves, entre deux bouffées d'opium.
Ce roman, entre réalisme et fantastique, nous emmène successivement dans les campagnes françaises du dix-neuvième siècle aux croyances obscures, et dans la Rain Forest, ces forêts d'arbres immenses, forêts vivantes où demeurent, éternelles, la sagesse et la magie du monde indien, où grimacent encore les masques et les totems d'une civilisation disparue.
Elise Fontenaille, romancière, est l'auteur chez Grasset de La gommeuse (1997), Le palais de la femme (1999), L'enfant rouge (2002), L'aérostat (2008), et Les disparues de Vancouver (2010).