Chateaubriand se décrit comme un androgyne bizarre et revient maintes fois sur sa double nature, à la fois sérieuse et romanesque. Il propose de diviser... > Lire la suite
Chateaubriand se décrit comme un androgyne bizarre et revient maintes fois sur sa double nature, à la fois sérieuse et romanesque. Il propose de diviser sa vie en carrières successives : le soldat et le voyageur jusqu'en 1800, l'homme de lettres jusqu'en 1814, l'homme politique jusqu'à la chute des Bourbons en 1830, et " au delà de la Restauration " le temps d'outre-tombe où s'achève son œuvre.
Autant vaut pour l'écriture. Au-delà d'une distinction générique, les travaux du romancier et de l'annaliste, de l'homme d'Etat et du mémorialiste s'enchaînent et s'ordonnent, de même qu'il n'y a pas solution de continuité d'une carrière à l'autre. C'est ainsi qu'au cours des années dites littéraires, paradoxalement l'écrivain abandonne la fiction, tandis que le métier politique le détourne efficacement de la scène politique.
Par excellence, les Mémoires d'outre-tombe recueillent cette parole " mêlée ", complexe, qui emprunte au siècle ses chimères comme ses réalités. Depuis l'Essai sur les révolutions (1797) jusqu'à la Vie de Rancé (1844), seule une poétique de l'œuvre complète permet d'évoquer la dimension du Temps, où s'incarnent les personnages de l'auteur. Cette perspective engage l'ensemble et le détail ; elle permet d'apprécier un Chateaubriand inédit, L'Enchanteur malgré lui.