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L'événement, naguère exclu de l'historiographie, est depuis quelques années réhabilité par les spécialistes des communications de masse, les sociologues et les historiens du présent. Les approches nouvelles, suscitées par l'analyse de la presse moderne et de la télévision, peuvent-elles être tentées sur un événement ancien ? Le « coup de canif » porté par Damiens à Louis XV le 5 janvier 1757 a déclenché, dans la France de l'époque, une réponse sociale, un ensemble de réactions dont les gazettes politiques, les gravures, les pièces imprimées ou manuscrites parues à cette occasion, les correspondances et les mémoires des contemporains nous conservent la trace. L'analyse aussi exhaustive que possible de ce texte riche et multiforme permet l'observation clinique d'une société dans un moment de crise. L'événement cesse d'être cet énoncé objectif qui paraît s'imposer, depuis son irruption dans le temps, à une mémoire simplifiée. Il redevient, saisi dans son origine et son développement, ce qu'il a d'abord été, la production des divers discours qui l'investissent, le narrent, l'interprètent et finalement l'absorbent. On ne veut donc pas ici élucider un fait historique, mais dégager les conditions dans lesquelles les moyens d'information courants, au xviiie siècle, toutes les instances de la parole sociale traitent et disent l'événement, les contraintes narratives, idéologiques, qui l'informent et en rendent l'énonciation possible. A l'occasion de l'attentat de Damiens, un coup de sonde dans la France d'Ancien Régime : les stéréotypes de sa vérité officielle, mais aussi la violence secrète qui la travaille, l'obsession refoulée de la mort du Roi.