« À quoi penses-tu ? - A rien. » Jadis, naguère, ce dialogue économe me paraissait le comble de la dissimulation. Ne penser à rien, comment l'imaginer ?... > Lire la suite
« À quoi penses-tu ? - A rien. » Jadis, naguère, ce dialogue économe me paraissait le comble de la dissimulation. Ne penser à rien, comment l'imaginer ? Alors que la mémoire s'essouffle à retenir tout ce qui passe par la tête, dans une stupéfiante anarchie ! En ces jours d'automne, ne faudrait-il pas revenir au pied de la lettre ? Ne penser à rien, ne pas se casser la tête, aller pépère, s'assumer cool, regarder sans voir, manger sans faim, marcher sans but, rire comme un niais, et, finalement, pleurer sans raison : c'est ce que nous pourrions faire de mieux avant d'élire un Président de la République pour sept ans. J'étais tenté d'écrire un petit bout de journal : trois ou quatre mois de délicates notations, cent vingt-deux jours d'éclairs fugitifs et de déroutantes banalités « dans le désordre ». Alfred de Vigny, que citait mon père, m'apparut. Je n'avais pourtant plus le souvenir de son visage ; il me dit, sans grand effort pour se renouveler : « fais énergiquement ta longue et lourde tâche, puis après... » Mais je n'avais nul désir de mourir et de ne plus parler, par conséquent.