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Ces cahiers où elle consigne au jour le jour ses angoisses et ses espoirs, les deuils et les naissances et tous les événements qui émaillent le quotidien de son entourage, ne sont pas une simple chronique familiale. Marguerite Giron évoque dans ces carnets la vie difficile des Belges, soumis à une censure pesante, harcelés par une bureaucratie tatillonne qui prétend tout contrôler, victimes de vexations et de réquisitions en tout genre, sinon d'une répression féroce. Un témoignage passionnant sur une période sombre de l'histoire de la Belgique, traversé par un leitmotiv : « les civils tiennent » !EXTRAIT« Ils polluent l'air que nous respirons »49. Nous ne connaissons aucun journal traitant de la première guerre mondiale où l'hostilité à l'occupant s'exprime avec une telle virulence. Pour qu'une dame bien éduquée se déchaîne de la sorte, il fallait que l'invasion et l'occupation allemandes l'aient touchée au plus profond d'elle-même50. Plus tard, elle s'étonna parfois de ses propres réactions. Lorsqu'elle se réjouit que les Anglais aient réussi à faire sauter, près de Messines, les lignes allemandes à grands coups d'explosifs, elle nota : « Notre âme est devenue sauvage et rancunière au point que de pareils exploits nous réjouissent. Aucun châtiment n'étanchera notre haine et notre soif de vengeance ». Elle n'avait même pas pitié des enfants allemands, elle jugeait les Allemands responsables de cette dégradation : « Quelle âme ils nous ont faite ! ». Cependant, à quelques reprises, elle fit preuve d'un peu d'empathie, la première fois en août 1914, pour un père de famille de Sleeswijk qui faisait son service contre sa volonté dans l'armée allemande ; une deuxième fois en septembre 1917, lorsqu'elle vit que des membres de la famille d'un soldat allemand étaient venus déposer des fleurs sur sa tombe, à côté de sa ferme à Bauche et enfin, en juillet 1918, quand elle assista au départ pour le front d'un train de jeunes soldats allemands. CE QU'EN PENSE LA CRITIQUEC'est une évocation si sincère et si vibrante de ces années abominables de l'occupation, qu'en parcourant les pages, j'avais l'impression parfois, jusqu'à l'illusion, de vivre encore sous le joug de l'ennemi. - Henri Pirenne (historien)