C'est en 1800, à trente-trois ans, que Joachim Murat, douzième enfant d'une modeste famille de la Bastide-Fortunière (près de Cahors), épousa Caroline, dix-huit ans, la plus jeune sour de Bonaparte. Sans son intervention musclée, le coup d'État de Brumaire, où Napoléon jouait son avenir, aurait probablement échoué. Michel Lacour-Gayet, avec rigueur et minutie, raconte, à partir de sources nombreuses et les plus sûres, la trajectoire ambitieuse, fastueuse, et finalement tragique, du plus brillant cavalier de l'Empereur et de son épouse, une jeune femme intelligente et artiste, dont les écarts amoureux - qu'ils soient dus à la passion ou simplement à l'intérêt - ne mirent jamais à mal le profond attachement qu'elle portait à son mari.
Maréchal et prince d'Empire en 1804, grand-duc de Berg en 1806, Murat, comme Caroline, aspirait à des positions encore plus prestigieuses. Ambitionnant le trône de Pologne, puis celui d'Espagne, ils durent « se contenter » de celui de Naples. Mais Murat se voulait roi à part entière, et non simple vassal de l'Empire : c'était répondre à l'aspiration profonde des Napolitains, mais aller à l'encontre des vues de Napoléon.
Ces conflits d'intérêt n'empêchèrent pas Murat de rejoindre l'Empereur, pour commander sa cavalerie avec un incomparable brio au cours des campagnes de 1812 et 1813, tandis que Caroline, à Naples, assurait la régence. Quand les revers militaires vinrent confirmer que l'ambition de Napoléon était allée trop loin, Murat le supplia de répondre aux offres des puissances coalisées, qui auraient permis de sauver l'essentiel.
Jamais Napoléon ne répondit à ces appels. Murat et Caroline cherchèrent alors à sauver leur royaume. Un revirement de dernière minute, lors des Cent-Jours, rejeta Murat dans le camp de l'Empereur, mais il était trop tard. Son ambition de réaliser l'unité italienne était elle-même prématurée. La fin de Murat est pathétique. Réfugié en Provence, puis en Corse, il tenta l'impossible reconquête de son merveilleux Naples.
Le roi Bourbon, rétabli sur son trône, le fit fusiller. Caroline lui survivra une quinzaine d'années, sous le nom de comtesse de Lipona. Louis-Philippe, roi des Français, saura reconnaître ses mérites.