Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947)
"Comme il avait été convenu qu'il irait, ce dimanche-là, voir une chèvre à Sasseneire, Jean-Luc Robille,... > Lire la suite
Charles-Ferdinand Ramuz (1878-1947)
"Comme il avait été convenu qu'il irait, ce dimanche-là, voir une chèvre à Sasseneire, Jean-Luc Robille, après avoir mangé, prit son chapeau et son bâton. Il alla ensuite embrasser sa femme (car il l'aimait bien et il n'y avait que deux ans qu'ils étaient mariés). Elle lui demanda :
- Quand seras-tu rentré ?
Il répondit :
- Vers les six heures.
Il reprit :
- Mais il faut que je me dépêche parce que Simon doit m'attendre, et il n'aime pas qu'on le fasse attendre.
Cependant, avant de sortir, marchant sur la pointe des pieds, il s'en fut à la chambre et alla au berceau où le petit, qu'ils avaient eu ensemble l'année d'avant, dormait. « Fais attention ! » cria Christine. Et lui, s'étant penché, il ne l'embrassa point, comme il avait eu l'intention de faire, il le regardait seulement dormir. C'était un gros garçon de onze mois et deux semaines (car on compte les semaines et les jours au commencement), avec des joues comme vernies, et une grosse tête ronde, enfoncée au creux du coussin. Et, le berceau, c'était Jean-Luc qui l'avait fait lui-même de beau mélèze, ayant travaillé le menuisier (comme on dit) et appris le métier, avant de se mettre au bien de sa mère, quand son père vivait encore. Il se tint donc penché là un moment, regardant dormir le petit. Puis, ayant retraversé la cuisine et ouvert la porte de la maison : « Adieu ! femme », dit-il encore, et il embrassa encore Christine."
Jean-Luc vit avec Christine et leur jeune fils Henri, dans un petit village du Valais (Suisse). Un jour, il s'aperçoit que son épouse est retournée voir son ancien amoureux, Augustin... De drame en drame, le destin est en marche...