Biographie de Denis Diderot
Philosophe, romancier, essayiste, dramaturge, critique d'art, polémiste, épistolier: Diderot est un auteur aux multiples facettes. Admiré d'abord en son temps comme maître d'oeuvre de l'Encylopédie, il est le plus novateur des philosophes des Lumières, dont il incarne l'esprit par son matérialisme athée, son refus de tout dogmatisme, et sa confiance en la raison.
Né à Langres en 1713, Diderot est le fils aîné d'une famille aisée de couteliers, qui le destine à la prêtrise.
Tonsuré en 1726 après de brillantes études chez les jésuites, il est lui-même convaincu de sa vocation religieuse, mais renonce pourtant à la carrière de chanoine et s'enfuit à Paris pour y poursuivre ses études: "Il vient un moment où presque toutes les jeunes filles et les jeunes garçons tombent dans la mélancolie (...). Ils prennent pour la voix de Dieu qui les appelle à lui les premiers efforts d'un tempérament qui se développe." (Jacques le Fataliste).
Débute alors une période de bohème: traducteur, précepteur, Diderot vit d'expédients - dans la misère.
Cette rude insertion dans le monde réel lui fournit les bases de sa révolte intellectuelle, et développe en lui le sens du pittoresque et du réalisme. Il devient l'ami de Rousseau, épouse clandestinement une lingère en 1743, et se fait connaître par ses Pensées philosophiques et sa Lettre sur les aveugles, véritables brûlots antireligieux qui subordonnent le divin à l'Histoire et fondent son matérialisme.
"Les institutions surnaturelles et divines se fortifient et s'éternisent, en se transformant, à la longue, en lois civiles et nationales; et (...) les institutions civiles et nationales se consacrent, et dégénèrent en préceptes surnaturels et divins", résume-t-il dans le Supplément au Voyage de Bougainville (C&C n°54).
À partir de 1746, Diderot partage avec d'Alembert la direction de l'Encyclopédie, entreprise colossale et harassante qui entend dresser un inventaire "raisonné" des connaissances, et fait des progrès scientifiques, techniques et sociaux les garants de la liberté humaine.
Cette aventure, partagée avec les grands noms du siècle mais dont Diderot rédige à lui seul presque le quart, est sans cesse contrariée par les critiques et la censure; elle s'achève en 1772.
Parallèlement, Diderot poursuit son oeuvre personnelle, où, en associant philosophie et fiction, il crée de nouvelles formes, comme le drame bourgeois ou le roman dialogué. De ses oeuvres majeures (Le Neveu de Rameau, Jacques le Fataliste, Les Bijoux indiscrets, La Religieuse, Le Rêve de d'Alembert, Supplément au Voyage de Bougainville, Paradoxe sur le comédien, Entretien d'un philosophe avec la Maréchale de ***), bien peu paraîtront de son vivant.
Confirmé dans sa notoriété, il fréquente les salons de Madame d'Épinay et du baron d'Holbach; en 1773, il séjourne à Saint-Pétersbourg à l'invitation de Catherine II: il apprécie l'accueil, mais conteste le "despotisme éclairé" de la tsarine.
De retour à Paris, il mène une vie plus calme, rédige ses derniers ouvrages, et précise son matérialisme.
Il meurt en 1784, rejoignant ainsi ("Est-ce que l'on sait où l'on va ? " objecte Jacques le Fataliste) Sophie Volland, la femme selon son coeur, rencontrée en 1755.