Jacques Borel est un enfant rieur, que j'ai connu en jouant à la chanson, alors que ce jeu, pur et naïf, existait encore. Il s'amusait à faire rimer... > Lire la suite
Jacques Borel est un enfant rieur, que j'ai connu en jouant à la chanson, alors que ce jeu, pur et naïf, existait encore. Il s'amusait à faire rimer amour avec bohème, tout en menant sa vie à tour de rêves.
Ce bateleur, ce dresseur de palombes sait tout faire. Toutefois, les fées lui offrirent, avant tout, la plume du poète. Ce méridional venu du cour et tombé de la chanson, se promène du roman au poème avec la même tranquillité de pensées. Quand il veut parler des plaies profondes de notre temps et de ses horreurs, il dit simplement ceci : « La source recouverte par les journaux du vent, s'écoule peu à peu aux charpies du silence. » Cette forme paisible, presque sereine, pour évoquer le malheur et le sinistre, c'est ce que je nommerai la notion Jacques Borel.
Ayant renoncé à rêver devant ses tamaris, il s'est fait un jeu de toucher à tout. Sachant parler aux foules invisibles, sans perdre son sourire, il sait de même faire une maison en chantant, vivre derrière un bureau, devant un clair de lune et devant une page blanche.
Tout un monde est né de son actif désordre. Un monde, où tout est légèreté, couleurs et sourires, comme cette grand-mère dont il évoque si joliment le souvenir : « si légère qu'elle est partie en montgolfière vers l'étoile d'amour-lumière. »
Poète, romancier, baladin, Jacques Borel déniche sa réussite comme un oiseleur fait lever des chants d'oiseaux : sans le vouloir. Simplement il continue à parler aux palombes, et c'est ainsi que nous pouvons l'entendre.
Henri Contet
Président d'Honneur de la Société des Auteurs et Compositeurs de Musique