Tous les amoureux des Chants de Maldoror ont tenté d'en prolonger le mystère dans la trop brève vie d'Isidore Ducasse. François Caradec le premier... > Lire la suite
Tous les amoureux des Chants de Maldoror ont tenté d'en prolonger le mystère dans la trop brève vie d'Isidore Ducasse. François Caradec le premier en avait donné une fascinante biographie, Jean-Jacques Lefrère plus tard a complété le tableau bien au-delà de ce qu'on pensait accessible.
Mais le mystère reste : celui d'une formidable invention poétique, portée à bout par un fantastique aussi visionnaire (cinétiques de la ville, la nuit) que cruel.
Et tout se passe au Chant II, quand le premier dispositif, et ce qu'il porte d'encore romantique, laisse ses rênes à l'écriture même, à la fascination Baudelaire de Ducasse. Combien de fois j'ai fait le test avec des étudiants : Lautréamont, pas encore lu (pas grave, il n'y a pas d'âge pour s'y mettre, et c'est violent) - mais qu'on dise Beau comme la rencontre sur une table de dissection d'une machine à coudre et..., un bon tiers du groupe complètera tout de suite par le fameux parapluie, qui aura un tel écho chez les surréalistes.
La littérature retournée comme un gant, dit Francis Ponge : et c'est dans ce Vieil océan que tout prend source.
La première traversée : un enfant de Montevideo, Uruguay, est envoyé en pension à Pau. A l'âge du baccalauréat, et finie la première année d'universitéà Bordeaux, les premiers textes envoyés à des concours, la traversée retour. Il va revoir son père, et obtenir de lui la tentative de 2 ans à Paris, pour devenir écrivain.
Longue traversée, échappée aux lois de la terre. Retour sur soi, prégnance de l'écriture qui commence à se faire. Moi aussi, j'en rêvais : prendre Lautréamont pensif accoudé dans la tête d'Isidore Ducasse, sur le bateau qui lui fait traverser l'océan.
C'est donc d'écriture, d'invention, de monde intérieur, de biographie et d'excès, qu'il est ici question.
Il fallait sans doute un autre regard avec traversée d'océan depuis le lieu originel de la langue : ce texte s'écrit à Montréal, et prouve qu'il n'y a pas d'étiquette géographique à ce qui nous fait naître à la langue. Et quelle langue, si c'est le barbare déploiement de celui qui, de ce bateau, contemplait, avec les beau comme du Vieil océan, la femelle du requin qui définitivement l'entraîne.
Mahigan Lepage (Lien -> http://mahigan.ca/)
Audrey Lemieux est doctorante à l'Université du Québec à Montréal. Isidoro est son premier long récit.