Isabelle au fond de la vallée

Le lourd camion traversait lentement le village et abordait avec précaution le virage en descente, tout de suite après l'église. Il était très chargé et la pluie de la nuit avait rendu la chaussée glissante. Le chauffeur conduisait prudemment. Encore un tournant, quelques maisons, une grosse ferme, et c'est la fin de l'agglomération. (...) "Tu es bien sûr de ne pas te tromper ?" demande le chauffeur à son compagnon.
"Tu crois qu'on va trouver une usine dans tous ces arbres ? On n'irait pas plutôt aux champignons ?" Le convoyeur dédaigna la dernière question et répondit : "J'te dis que c'est par là ! J'y suis venu plus de vingt fois, alors tu peux me croire. Fais attention ! Aussitôt après la première ferme, il y a un mauvais virage à droite et la pente est très forte. L'école est juste dans le tournant mais, à cette heure-ci, les gosses doivent être en classe.
"Quel bled !" dit le chauffeur, "elle est rudement bien cachée cette usine." Accroché à son volant, le pied sur le frein, il ne quittait pas la petite route des yeux. Trente-cinq tonnes derrière lui, cela faisait une masse qu'il valait mieux maîtriser !