... J'avais vu, à Milan, les affiliés d'une nouvelle société secrète, d'un nouveau noyau d'irréductibles, exactement pareil à celui qui, dans le... > Lire la suite
... J'avais vu, à Milan, les affiliés d'une nouvelle société secrète, d'un nouveau noyau d'irréductibles, exactement pareil à celui qui, dans le sacrifice de ses frères et son propre anéantissement, avait fondé, à la fin du siècle dernier, dans le silence des catacombes russes, le gigantesque mouvement marxiste qui submerge le monde d'aujourd'hui. J'avais rencontré les membres de la nouvelle Narodnaïa Volia, dispersés à travers l'Europe. La communauté multiraciale fraternelle qu'ils appelaient, c'était le rêve anticipé sur les âges à venir. C'était la chimère grosse des évidences de demain. Ils portaient les vérités de Galilée, qu'il n'est au pouvoir de personne d'éteindre, et Malraux et Sartre et Mauriac, adonnés à leurs gendarmes et à leurs juges, veillaient à les empêcher de naître. La fascinante aventure de l'avenir, le bain régénérateur du danger, le romantisme de l'action clandestine, qui jette les faux passeports en défi aux gardes-frontières, dont les Marxistes conservateurs portent un deuil hargneux et morose, les liaient - au contraire - dans un compagnonnage fraternel, et les entraînaient dans cette danse, dont les figures traçaient des arabesques à travers l'Europe. Chaque fois que je les ai rencontrés, je les ai découverts gais... même le jour où, quelque part en Europe, nous avons lu, sur une pancarte accrochée à la porte d'un club, l'inscription "interdit aux chiens et aux Français". C'est dans les communautés de réprouvés, que naissent et germent les vérités futures. Pauvres comme des gueux, ceux-là étaient semailles...