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En 1880, le Royaume-Uni, porté par trois décennies d'une croissance économique exceptionnelle, est une superpuissance. Il assure le quart de la production industrielle mondiale et le cinquième du commerce international. Sa population dispose d'un niveau de vie inégalé. À la tête d'un empire colonial qui s'étend sur cinq continents, il est au centre de l'économie-monde. L'Empire allemand, qui connaît un processus d'industrialisation très soutenu mais encore récent, fait figure de rival tardif dans la compétition économique. À la fin des années 1960, le rapport de force s'est totalement inversé : le Royaume-Uni, victime d'un lent processus de déclassement au sein des nations industrielles, ne contribue plus qu'à la hauteur de 10 % à la production industrielle mondiale et sa part dans le commerce international est tombée à moins de 7 % ; des pans entiers de son ancienne puissance industrielle sont sinistrés et les contemporains sont hantés par le « syndrome du déclin ». L'Allemagne - ou, plutôt, la République fédérale allemande - s'est en revanche imposée comme la deuxième puissance industrielle mondiale, exportant dans le monde entier les productions de qualité, de haute valeur ajoutée et peu concurrencées, talonnant les États-Unis dans de nombreux domaines. La rivalité anglo-allemande pour le leadership économique est l'un des faits majeurs des années 1880-1970. On la retrouve parmi les causes des deux guerres mondiales qui ensanglantèrent le Vieux continent et, au-delà des enjeux purement économiques, ce sont deux modèles de société qui en sont venus à s'opposer. Inversement, les points communs sont aussi nombreux, que ce soit leur statut de grandes nations industrielles d'envergure mondiale, ou les similitudes dans leur structure sociale, et, en particulier, l'existence de deux classes ouvrières puissantes et organisées. Le livre de Philippe Chassaigne propose dans une perspective chronologique mettant l'accent sur les moments clefs, une synthèse comparative du cours de l'industrialisation et de ses conséquences sur la vie matérielle et quotidienne des individus. II aborde également, à la lumière des acquis récents de la recherche anglo-saxonne, trop souvent méconnus en France, les grands problèmes historiographiques : réalité du Sonderweg allemand, question du « déclin » britannique, rapport entre nazisme et « grand capital », bilan de la politique industrielle de l'État nazi ou des gouvernements travaillistes britanniques de l'après-guerre, nature et caractère de l'évolution vers la « société post-industrielle » dans les années 1960... Entre « Britannia, Rule the Waves » et « Deutschland über alles », il s'agit de présenter un bilan équilibré.