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Bury Samuel - Histoire de la prise de Berne et de l'annexion de la Suisse à l'Allemagne: Dans cette uchronie politique que l'on peut considérer comme le premier livre de science-fiction suisse, Samuel Bury, imagine que les financiers à l'origine du Tunnel du Gothard instituèrent la révision de la Constitution suisse de 1874 pour favoriser leur projet. Grâce à cette révision qui leur permet de ne pas consulter leurs concitoyens, ils font signer à la Suisse un traité avec l'Allemagne et l'Italie où la Confédération s'engage, en contrepartie d'un financement, à réaliser le tunnel dans un délai donné.
Pendant ce temps, l'Allemagne prussienne qui a vaincu en 1870 la France de Napoléon III et annexé l'Alsace, la Lorraine et la Sarre, poursuit son appétit de conquête. Elle annexe d'autres parties de la France dont la Franche-Comté, puis des états du nord de l'Europe et, enfin, l'Angleterre et tout ce qui peut être réclamé de culture germanique. La Suisse l'intéresse et elle tend ses filets pour la cueillir. La nation se mobilise mais l'état central arrivera-t-il à combattre avec la même efficacité que les pouvoirs régionaux d'autrefois? Et comment va-t-elle s'opposer à ces annexions?
Cette uchronie - qui est aussi un canular littéraire car le livre a été publié de manière anonyme en 1872 alors que la date de 1921 était mentionnée sur la page de couverture - s'appuie sur les débats qui existèrent autour de la réalisation d'un tunnel alpin. Écrite l'année de la première votation sur la Constitution fédérale révisée, elle est aussi l'expression de ses oppositions.
Elle ouvre, avec feu, la question de l'autonomie des cantons versus l'établissement d'un pouvoir et de structures politiques et administratives de l'état fédéral moderne, sur le plan législatif, militaire et économique. L'auteur, un suisse romand, soulève aussi le problème du poids, dans un état fédéral à forte majorité germanophone, d'une minorité latine (italophone et francophone).
Avec le titre, l'auteur veut faire le constat d'un résultat. Ce court pamphlet contre la centralisation vise à montrer des cantons et un peuple suisse dépouillés de leur autonomie au profit d'une élite financière et aristocratique qui voulait s'en protéger afin de pouvoir gouverner à sa guise en écoutant les sirènes étrangères, tentatrices et intéressées. Cet essai décrit bien l'arrivée au pouvoir d'élites marchandes et financières comme un peu partout en Europe à cette époque. Cependant, les craintes exprimées dans cet essai sur l'inefficacité organisationnelle, militaire et législative d'un État fédératif furent en grande partie infondées. La question du poids excessif d'une majorité germanophone sur les structures fédérales s'est-elle réalisée ? Certains indices tels les retards d'infrastructures en Suisse romande ou la pression vers certaines utilisations de l'allemand (étiquettes de produits en magasin,...) qui s'est renforcée ces dernières années peuvent interroger.
À noter que l'axe ferroviaire du Gothard a été imaginé dès le milieu du 19e siècle. Il a fait l'objet de nombreuses discussions et a subi de graves difficultés financières. Le roman montre les inquiétudes qui existaient à ce sujet pendant cette époque fortement troublée par des conflits.
Samuel Bury était un juge du Tribunal Cantonal vaudois en 1869, soit quelques années avant la révision de la Constitution suisse de 1874 que critique cet ouvrage. Cette révision qui donna à l'état fédéral ses prérogatives d'aujourd'hui établit sur le plan juridique le Tribunal fédéral de Lausanne et, quelques années plus tard, la formalisation du droit pénal et civil fédéral que critique l'auteur. Si Samuel Bury a publié plusieurs ouvrages de droit, notamment un Manuel de droit public, à l'usage du citoyen, il semble que ce soit sa seule incursion dans la littérature.