Haïm, en hébreu, c'est la vie. Voici pourtant que Haïm va mourir : il meurt, il le sait, il le sent - et pour protéger ce moment qu'il veut de lucidité,... > Lire la suite
Haïm, en hébreu, c'est la vie. Voici pourtant que Haïm va mourir : il meurt, il le sait, il le sent - et pour protéger ce moment qu'il veut de lucidité, il est venu se réfugier, ou il est venu se recueillir près de la grande mer étale. Là, il n'y a plus que l'eau et le soleil et, dans la chambre qu'il a louée, l'ami/ennemi le plus doux et le plus amer au monde : le poème de la mémoire. Mais à quoi sert la mémoire ? Le temps enfui est irrémédiablement perdu, même s'il est celui de l'amour, de la découverte de Dieu, et du sang et du sexe. Ce qui fait aussi une vie d'homme... Et dans les fragments qui affleurent et se recomposent, comme hésitant sans cesse entre l'être et le néant, entre le jour et la nuit, entre le désir qu'il avait appelé prière, et cet autre désir plus étrange et plus noir qu'est le désir de la mort, se joue le jeu de l'âme au moment où elle va basculer, et participer peut-être à cette alchimie dont il semble soudain à Haïm qu'il va pénétrer tout à coup le mystérieux dessein. Sous sa forme de récit - ou de récitatif - voici un poème et une longue méditation d'essence à la fois religieuse et mystique. Dès lors, le lecteur ne s'étonnera pas de la fin que l'auteur a voulue : après un étrange ballet de phalènes avec la voix de Haïm, alors même que celui-ci est devenu pierres et bijoux (comment ne pas penser par exemple à la gemmerie médiévale et aux théories de Marbode ?), dès que le personnage s'est définitivement éteint, que la vie a cessé - pour permettre la réintégration de son âme, ou pour nier la chute originelle ? - on ne sait plus soudain s'il a existé ou non. Au balcon de sa chambre, on accroche une pancarte : LIBRE. Peut-être Haïm n'était-il qu'une ombre ? Mais peut-être la vie n'est-elle après tout que l'ombre portée de Dieu ?