L'anthroponymie est encore un domaine trop peu exploré. Et pourtant la manière dont un individu est identifié par le ou les noms qu'on lui donne est... > Lire la suite
L'anthroponymie est encore un domaine trop peu exploré. Et pourtant la manière dont un individu est identifié par le ou les noms qu'on lui donne est un excellent révélateur de la société où il s'insère. Car les noms de personne font toujours partie d'un système sur lequel la subjectivité n'a que très peu de prise et qui s'articule lui-même avec ceux qui caractérisent la parenté, la stratification sociale, les valeurs culturelles et le droit civil ou public. Or notre civilisation occidentale est liée aujourd'hui à un système anthroponymique à deux noms (l'un individuel ou prénom et l'autre patronymique ou nom de famille), qui est en passe de s'étendre au monde entier. Mais elle a aussi pour originalité, contrairement à d'autres systèmes culturels, de ne l'avoir adopté franchement qu'à partir du xie siècle, après en avoir changé au moins trois fois : diffusion de l'anthroponymie romaine aux dépens des systèmes indigènes, son remplacement par une anthroponymie à un seul nom, en fin passage de ce système haut-médiéval à celui que l'on peut dire moderne, entre le xe et le xive siècle. Le but de cette enquête est d'analyser la dernière phase de transformation, c'est-à-dire l'apparition du système à deux éléments, en place du système antérieur à nom unique. D'où le principe général de cette étude, de ne pas séparer l'étude de l'évolution de la prénomination de celle du système dans son ensemble. Les premiers résultats de l'enquête ont montré que le système de désignation des femmes était, quel que soit leur milieu, très différent de celui des hommes, à l'époque qui nous occupe. Sans doute, pour la population féminine, l'adoption du système moderne est-elle repoussée de plusieurs siècles, probablement au Bas-Moyen-Age. Quant à la désignation des clercs, elle est différente, également, de celle des laïcs et semble rester longtemps fidèle au système du nom unique. Il importe aussi de la traiter de manière spécifique. Ces différences méritent réflexion car elles renvoient à l'économie générale et au sens global du système anthroponymique qui naît à partir du xie siècle. Ce sera l'objet d'une recherche ultérieure. Cette enquête se limite volontairement à l'étude de la population laïque de sexe masculin.