Son ouvre mise à part, la vie de Paul Gauguin est un extraordinaire roman. Le Pérou, Orléans, Copenhague, Paris, la Bretagne, Arles, la Méditerranée, le Brésil, le Chili, Panama, Cap Nord et Cap Horn, la Baltique, la Martinique, la Nouvelle-Zélande, Tahiti, les îles Marquises. Combien d'hommes au xixe siècle ont pu errer ainsi sur la planète à la recherche d'eux-mêmes ? Et ses ascendances ne le cèdent en rien à la géographie, un aïeul vice-roi du Pérou, une arrière-grand-mère intime de Simon Bolivar, une grand-mère féministe et révolutionnaire, Flora Tristan, un père au cour battant de la Révolution de 1848, tant de figures croisées, George Sand, Pissarro, Degas, Manet, Seurat, Émile Bernard.
Et le face-à-face tragique avec Van Gogh. Lui-même officier de marine, fusilier marin, boursier, conspirateur, père de famille nombreuse au destin tourmenté, peintre, sculpteur, journaliste, écrivain. Personnage hors normes, dont les ombres ne seront pas estompées. Le roman vrai conté ici défie parfois l'imagination. Gauguin fut aussi un créateur puissant, majeur, lent à s'épanouir, dont l'ouvre irrigue le xxe siècle et notre avenir, car il comprit le premier en pleine clarté les racines inconscientes de la beauté et ouvrit l'art occidental à l'imaginaire des autres peuples et civilisations.
Un artiste-monde qui chercha à agréger toutes les formes héritées des hommes pour donner des éclats de lumière neufs.