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D'après ce que l'on sait des différences fondamentales qui existent entre deux pays situés aux antipodes pour ainsi dire l'un de l'autre, dans le domaine de la civilisation, celui-là étant le berceau de la liberté, celui-ci la forteresse de l'absolutisme, il peut sembler étrange que cette rêveuse et mystique Russie m'ait rappelé si souvent, au cours de mon récent voyage, la positive Amérique. C'est qu'elles ont en effet plus d'un trait en commun : d'abord toutes les deux représentent l'avenir. Considérées au point de vue physique, la Prairie et la Steppe sont sours. Sur d'immenses étendues absolument vides de détails, les chemins de fer offrent les mêmes aspects de campement désordonné, précurseurs de l'irruption du progrès. Dans les deux pays, le mouvement féministe, très accentué, a le même caractère, c'est-à-dire qu'il n'implique aucun sentiment d'antagonisme ni de révolte contre le sexe fort, et cela par la bonne raison que l'homme en général, Américain ou Russe, favorise plutôt qu'il ne les contrarie, et en tout cas ne raille jamais cette soif de savoir, ce besoin effréné de culture, qui sévit chez l'« Eve nouvelle. » Il faut dire que l'égalité des sexes est reconnue par la loi au pays de l'absolutisme beaucoup plus qu'on ne le croit généralement, de grandes impératrices l'ayant gouverné d'une main ferme, et la femme de toute classe y possédant des privilèges inconnus chez nous, par exemple la libre disposition de ses biens qu'elle peut administrer à sa guise et sans contrôle.