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Alors que le champ éditorial français accueille, depuis le début du XXIe siècle, des fictions longues, marquées par l'héritage distancé de romans qui dialoguent avec l'Histoire, le point de vue macrogénétique développé ici s'attache à l'invention par Balzac d'une forme neuve, l'Ouvre-monde, qui constitue un modèle d'écriture productif pour ses successeurs. Il s'agit de faire référence et concurrence au réel, au moyen de rapports nouveaux entretenus avec lui.
L'étude s'attache aux modèles d'écriture disponibles au temps de Balzac, hérités du XVIIIe siècle et développés par le monde éditorial du premier XIXe siècle: modèles historiques, scientifiques, historio - graphiques que le travail balzacien s'approprie et reconfigure. Plusieurs modèles d'organisation des oeuvres longues sont ainsi mis en évidence, grâce à l'examen des étapes qui conduisent à La Comédie humaine telle qu'elle commence à paraître en 1842: un modèle sériel historique présent dans l'Histoire de France pittoresque, un modèle panoptique qui préside au projet d'Etudes sociales. A terme, la singulière forme-sens balzacienne peut être saisie comme un texte fondé sur une porosité généralisée, qui permet de « penser par cas ». La logique qui traverse les séries d'Etudes, en voie de fusion dans l'oeuvre longue, relève d'un principe d'abolition des schèmes verticaux, des pyramides de tous ordres.
Le tissage du texte de La Comédie humaine, considéré dans son entier, fait apparaître une poétique neuve, où il s'agit bien de « faire vrai » et non de construire du vraisemblable. L'agencement singulier qui s'invente ainsi, à l'âge démocratique, est lié au caprice du vivant: à la contingence et à ses aléas.