« Il est dans l'histoire du XVIe siècle un personnage dont le caractère et les projets sont une énigme, et dont le rôle, diversement apprécié, exerce encore aujourd'hui la critique de ceux qui étudient attentivement l'histoire de son existence agitée et mêlée de fortunes diverses. Il semble aux uns que cet homme, ambitieux au-delà de toute mesure, ait poussé ses désirs jusqu'aux dernières limites des espérances humaines, et que le rêve de la souveraineté universelle, séduisant son esprit, l'ait conduit tour à tour d'illusions en illusions et de déceptions en déceptions jusqu'à ce jour où, désabusé de la fortune, accablé d'infirmités, disposé à mépriser l'idole qu'il avait d'abord adorée, il alla chercher dans le séjour d'un cloître le repos qui lui manquait, la santé qu'il avait perdue sur le trône.
D'autres le considèrent comme un profond politique contraint, par la situation même de ses états épars et toujours menacés, à des efforts de conquêtes auxquels ne put suffire tout son génie ; ce qui aurait épuisé ses forces et amené par le dépit son abdication volontaire.
Un historien du siècle dernier, qui, sous une forme légère et moqueuse, a souvent caché beaucoup d'érudition et de sagacité, rappelle que sa mère passa presque toute sa vie en démence, que son aïeul ne montra pas toujours un jugement bien sain, et voit dans quelques-uns de ses actes, surtout dans les faits qui ont suivi son abdication, la preuve que les fantaisies bizarres et le dérèglement de l'imagination se transmettent souvent du père au fils comme un, héritage de famille.
Il est certain que le caractère de Charles-Quint, étudié dans les faits de son règne, nous présente les contrastes les plus étranges ; tour à tour généreux et cruel, tolérant et fanatique, perfide et facile à duper, plein de constance au milieu des revers, mais follement confiant après chaque succès, recherchant en général avec soin l'avis des hommes d'Etat distingués qui formaient son cortége, et quelquefois cependant attaché avec opiniâtreté, en dépit de leurs remontrances, à des résolutions aveugles, soit qu'il entreprît son expédition d'Alger, soit qu'il allât perdre devant Métz la plus belle armée qu'il eût levée en Allemagne.
Tous ces traits différents et même contraires donnent, par leur union bizarre, quelque chose de particulier et de peu compréhensible à ce caractère, d'ailleurs si remarquable, de l'empereur Charles-Quint. »
Fruit d'une sélection réalisée au sein des fonds de la Bibliothèque nationale de France, Collection XIX a pour ambition de faire découvrir des textes classiques et moins classiques dans les meilleures éditions du XIXe siècle.