Pinel libérant les fous des chaînes qui les maintenaient entravés, telle est l'image d'Epinal symbolisant la naissance de la psychiatrie. Les malades... > Lire la suite
Pinel libérant les fous des chaînes qui les maintenaient entravés, telle est l'image d'Epinal symbolisant la naissance de la psychiatrie. Les malades mentaux allaient enfin recouvrer au pire leur dignité, au mieux la raison. A travers l'étude du premier millier d'internés d'office du Finistère, durant la période 1826-1861, il apparaît que ce noble dessein laisse bien vite place à une réalité tout autre. Les fous ne portent plus de fers ; cependant, pour les soigner la première chose à faire est de les laisser enfermés. Au fil du siècle, les internements se font de plus en plus nombreux. L'efficacité thérapeutique de l'établissement quimpérois semble limitée, mais est-ce là la préoccupation première de l'asile ? Observer la population directement concernée par les traitements d'office permet de mieux saisir les objectifs réels de l'appareil psychiatrique. Si personne n'est à l'abri de la folie, on constate que cette science s'implique dans la contention des populations à risque, des classes dites " dangereuses ". Dans une société économiquement en mutation, gagnée par de nouvelles valeurs, les aliénistes finistériens devancent ou accompagnent une volonté du corps social de se pacifier. Plus que la maladie mentale et sous couvert d'une légitimité scientifique, la grande affaire de l'asile Saint-Athanase, à Quimper, reste la gestion de la violence quotidienne et de la déviance sous toutes ses formes. Ainsi, plus qu'une médecine mentale, la psychiatrie s'affirme tout au long du XIXe siècle comme un redoutable instrument de contrôle social, de moralisation et de normalisation.
Olivier Eymann a suivi des études d'ethnologie et d'histoire à l'Université de Bretagne occidentale, à Brest. Il est actuellement professeur des écoles en Martinique.