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« Les révolutions, comme les maladies, s'annoncent par un malaise vague dont on ne comprend rarement l'importance que lorsqu'on en a vu les suites. Jamais le gouvernement de Boris n'avait rencontré moins d'obstacles ; jamais l'autorité d'un tsar ne sembla plus sûrement affermie. En paix au dehors, spectateur tranquille des luttes de ses voisins, il s'appliquait à civiliser son peuple, à faire fleurir le commerce, à établir dans toutes ses provinces une police exacte. Chacun de ses actes était reçu avec soumission, exécuté avec empressement, et néanmoins une inquiétude secrète agitait tous les esprits. Le tsar ne pouvait se dissimuler l'aversion qu'il inspirait aux Russes : nobles ou serfs le détestaient également. Il voyait toutes ses intentions, tous ses décrets travestis en attentats contre les lois du pays. À cette époque d'ignorance, les Russes, même d'une classe élevée avaient pour les étrangers une espèce d'horreur superstitieuse. Ils ne faisaient aucune différence entre un étranger et un infidèle, appliquant le même nom de païen au Tchérémisse idolâtre, au Tartare musulman, à l'Allemand luthérien ou catholique. L'amour de la patrie, ou, plus exactement, du sol natal, se confondait pour eux avec leur attachement à la religion nationale. Ils disaient le peuple orthodoxe, la sainte Russie. Ailleurs que sur cette terre privilégiée on ne pouvait, croyaient-ils, faire son salut. Les premiers troubles de la Réforme en Allemagne avaient attiré en Russie un grand nombre d'aventuriers pauvres et cherchant à tirer parti de leurs connaissances. Le peuple s'apercevait bien de la supériorité de ces étrangers dans les arts et l'industrie, mais ne les en détestait que davantage. Corrompre la foi nationale et s'approprier les richesses du pays, tels étaient les reproches continuels que le vulgaire adressait aux Allemands. Boris les flattait et les attirait dans ses États, sentant qu'il avait besoin d'eux pour guider ses sujets vers une civilisation nouvelle. »
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