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« Quand je fis la connaissance de Frédéric dans les premiers jours d'août 1944, il était mort depuis plus de soixante ans. Immergé dans l'évocation des faits et gestes hypothétiques d'un homme du passé qui réapparaissait soudain comme un revenant, j'oubliais les contraintes du moment présent. Les bruits d'une guerre que je vivais pourtant intensément s'étaient atténués. Je n'entendais plus, accompagnant le récit sommaire de Paul Dufour, que la musique sourde de la complainte de Frédéric qui me suivrait désormais partout. Car j'ai mis sans le vouloir tous mes pas dans les siens. Il est peut-être encore là, dans cette cellule, lisant par-dessus mon épaule les mots que je trace pour essayer de découvrir, avant de disparaître moi-même, ce qui dans ma propre vie m'a réellement appartenu. » Ainsi s'exprime, en septembre 1962, du fond de sa cellule de la prison de la Santé, Xavier Larrieu, officier perdu, soupçonné à tort d'avoir pris une part active à l'attentat du Petit-Clamart contre le général de Gaulle, car cet homme de convictions, profondément blessé par l'abandon de l'Indochine puis de l'Algérie, a participé au putsch et à l'OAS. Là, il revisite son passé. Mais à son histoire vécue, se superpose et s'intrique celle de Frédéric Rambert, à la fin du siècle dernier, une vie recomposée dans laquelle il voit un écho fidèle de ses combats et de ses amours. Des récits brisés, repris avec beaucoup de subtilité, où les analyses posées et sereines des choix et des engagements du narrateur contrastent avec le romanesque avoué que tempère cependant la sobriété du style. Un roman très original, où vécu et imaginaire s'entrecroisent et se répondent, s'éclairent mutuellement.