Oran le 20 mai 1963
... « Tout ce que l'on croyait fort, solide, intangible, s'écroule comme château de cartes, s'évanouit en fumée !... Des malheureux, du plus gros au plus petit, du plus riche au plus pauvre, de celui qui laisse 1 000 hectares à celle qui laisse sa chambre, sa machine à coudre et son pot de géranium... Fous qu'ils étaient d'avoir espéré contre toute logique ! Il faut dire pour être franc, qu'après avoir enduré et connu successivement les fellaghas, l'O.a.s., les C.r.s., les barbouzes, le 5 Juillet, les minutes de tristesse épouvantable, quand on passe sa main sur des murs qui vous ont vu naître, que l'on croyait siens au point de n'y plus faire attention, et que l'on sent qu'ils vont vous être arrachés pour toujours...
on en arrive à souhaiter d'être au plus vite spolié, nationalisé, pour pouvoir s'en aller, ruiné certes, mais presque soulagé que ce soit enfin fait ! ».
Extrait de la lettre de Me C...
Corse, Ghisonaccia, septembre 1973
... « Marc est attentif, de cet homme sort une joie pure, contagieuse, il redonne aux choses, aux événements, leurs places exactes. La guerre : c'est la guerre, la politique : la politique, les éléments : le lot du cultivateur.
Les erreurs, les grimaces des hommes deviennent dérisoires par rapport à une chose élémentaire, primordiale comme la vie : le vin qui coule.
- Le premier vin, de ma première vendange, je suis resté longtemps, très longtemps, à le regarder couler. Le vin de ma première vendange, c'était une promesse de vie... ».
Tristesse et espoir mélangés, propres à tous les pieds-noirs, sont exprimés dans ces deux extraits du livre ; c'est ce que traduit d'une façon exceptionnellement émouvante Marcelle Routier dans cette première fresque, jamais écrite, d'une des plus grandes migrations de l'époque contemporaine.