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Cela finit un jour par arriver : la brusque explosion du corps à la faveur d'une caresse secrète, cette irremplaçable et inoubliable première fois, où le sexe s'éveille au plaisir et peuple soudain le monde. Et puis l'amour, que les garçons réinventent entre soi, en l'âge où la sensualité les possède et supplante tout autre jeu. Est-il, pour un écrivain, sujet plus troublant que ces naissances juvéniles, ces ébauches dont l'intensité dépassera toujours - pour le souvenir - les expériences de l'âge mûr ? Séduit par la grâce de ces garçons - est-il besoin, me disai-je, qu'ils soient de Casablanca ou d'ailleurs ? - par leur beauté entr'aperçue au fil des lignes, leur audace, leur impudeur, j'aurais volontiers, lecteur complice, parlé de leurs escapades et de leurs complots comme d'un beau roman d'enfance, de partout et de nulle part. Il faut aussi le dire, Casa me gênait, Casa l'européenne, en face de la Médina arabe et presque coupée d'elle. Me gênait qu'il ne fût question que d'enfants européens, partageant - à l'évidence - les préventions de leurs pères, même si, à l'occasion, un petit Arabe se trouvait mêlé à leurs aventures érotiques. La grande histoire, la politique, recouvrait la petite, ou plutôt le sans histoire, la chronique des jours et m'empêchait de voir ce - qu'au contraire - celle-ci avait d'exceptionnel, de révélateur et de précieux. Garçons de Casa, parce que livrés au corps d'amour de la cité disparate, qui les rend moins repérables aux parents et aux maîtres, qui leur ménage des cachettes, des évasions et des rencontres imprévues. Peu importe alors à l'enfance, à cette enfance-là, qu'il y ait - à l'arrière-fond - la domination européenne avec la gêne que - rétrospectivement -, pour nous, elle peut susciter.