Alexandre Arnoux, de l'Académie Goncourt, est né en 1884, à Digne, en Haute Provence. Il a eu une enfance assez vagabonde à travers la France, a vécu étudiant en Allemagne, et souvent voyagé en Espagne. De là, sans doute, la variété de son ouvre, où se reflètent aussi les évènements d'une époque tourmentée. Au théâtre, il a donné Huon de Bordeaux, l'Amour des trois Oranges, les Taureaux, etc... Critique de cinéma fort écouté, il a collaboré à de nombreux films.
Mais son activité est essentiellement littéraire. Il a rapporté d'Espagne des traductions de Calderon, et surtout de La Vie est un Songe, d'Allemagne, celle du Second Faust de Gothe. Les guerres lui ont inspiré Le Cabaret, Indice 33 et, récemment, Contacts allemands, qui résume l'histoire d'une génération. Enfin, son abondante production de nouvelliste, de romancier et d'essayiste affirme une personnalité qui excelle à fondre le réel et le féérique, à se promener parmi les idées, les personnages et le temps.
Citons Abisag, les Gentilshommes de Ceinture, le Carnet de route du Juif errant, le Rossignol Napolitain, la Nuit de St-Barnabé, Rhône mon fleuve, Algorithme, le Calendrier de Flore, etc... et ce conte dialogué La Rose de l'Alhambra, écrit spécialement pour les ondes, et que la Radio a donné avec le plus vif succès. Nul, sans doute, n'était mieux désigné qu'Alexandre Arnoux pour écrire le portrait de Charles Dullin, le grand comédien et metteur en scène que la mort nous a enlevé il y a un an et qui a exercé une si profonde influence sur le Théâtre français contemporain.
Alexandre Arnoux a connu Charles Dullin à Lyon, avant même ses débuts parisiens. Il a participé à sa lutte pour la fondation de l'Atelier. Charles Dullin a monté de lui Huon de Bordeaux, Petite Lumière et l'Ourse, l'adaptation du Médecin de son honneur, et de La Vie est un songe de Calderon, où il fut un Sigismond incomparable. Amitié profonde et durable de deux hommes, que le temps ni la divergence des caractères n'ont jamais relâchée.
Alexandre Arnoux, en écrivant cet ouvrage, a tenté de nous restituer Charles Dullin dans sa force et ses tâtonnements, ses contradictions et son unité, ses petits échecs et ses grandes réussites. Ce n'est ni une étude historique ni une hagiographie. Non, il nous livre un être vivant, déchiré, ballotté par les circonstances et ses vastes ambitions désintéressées. Une sorte, en somme, de reportage étalé sur de longues années, et la chronique concentrée de l'amitié fervente et lucide qui l'a lié à celui dont la personnalité, l'enseignement, l'enthousiasme ont eu tant de rayonnement et qui a marqué de son sceau toute la génération montante du théâtre actuel.