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Ce que je sais du XXe siècle ? Ce qu'en saurait tout enfant d'une époque convulsive et sans pardon, considéré comme terroriste, réchappé à vingt ans du peloton d'exécution, auteur en 1950 d'un premier roman qui s'ouvrait sur des enfants juifs conduits à la chambre à gaz de Mauthausen et qui verrait, trente-cinq ans après, les tortionnaires du père Popieluszko ressembler comme des frères aux SS qu'il a connus. Ce que je sais ? Que la gauche est fautive. Fautive de n'avoir pas encore osé reconnaître, à la mort de Koestler, Sperber et Souvarine, à quel point ils ont eu les premiers raison. Fautive de ne pas assez s'interroger sur un pacifisme qui ne peut se réclamer de Jaurès parce qu'il blanchit les agresseurs, confond Auschwitz et Hiroshima et ignore le seul acquis en Europe de la victoire de 1945 : la réconciliation franco-allemande. Fautive encore de regarder l'avenir à la lumière de la première révolution industrielle, de ne pas avoir l'audace de désespérer Billancourt, quand la lutte des classes a besoin d'une France prospère et efficace pour garder un sens. Ce que je sais du XXe siècle ? Qu'il a anéanti les rentes qu'une nation comme la nôtre tirait de son passé. Il faut changer notre outillage mental et culturel. C'est la leçon des poètes que j'ai connus et dont j'ai été l'ami : Aragon, Éluard, Picasso. Ont-ils payé trop cher d'accéder aux ouvertures de la modernité sur le grand large ? Mais quelle est donc notre note à payer en cette fin de siècle, alors qu'il dépend de nous qu'il y ait un XXIe siècle ?