Caramel dur

L'archétype de la nouvelle noire revisité La femme de service entoure des plus douces attentions cet accidenté privé de paroles, on se demande bien pourquoi. La voici. « Bonjour ! » Sa voix est enjouée, elle me regarde tandis qu'elle pousse son chariot chargé de ses ustensiles, ses chiffons, ses détergents, tout son barda de nettoyeuse. Elle entame sa corvée, j'admire les déplacements de son corps, je lui trouve une certaine grâce, son avant-bras est recouvert d'un duvet brun, je n'avais pas remarqué combien elle était brune, sa peau est mate aussi.
Elle lit l'écriteau, le toubib n'a rien dit de ce qu'il y avait écrit, elle, elle va me le dire. « Rémission, 80 %, vous savez ce que ça signifie ? » Une nouvelle d'Obione promet toujours une surprise dans la manière de traiter une histoire. Ici, deux voix intérieures dialoguent jusqu'à la chute finale, d'une noirceur absolue. EXTRAIT « Je vous avais promis de revenir. » La voici qui rapplique la bleue, la même, la maladroite qui bouscule mon lit. « C'est un simple toilettage des vitres, pour que vous voyiez le paysage.
» Elle se fout de ma gueule en plus, maintenant, elle grimpe sur le petit escabeau qu'elle tenait à la main. Elle frotte, elle agite son derrière, ses mollets, je vois ses mollets. Elle se retourne. « Vous avez le droit de regarder mais pas de toucher. » La blague classique, comme si j'avais envie en ce moment de glisser ma main sous sa blouse. Mon fantasme en ce moment, c'est d'être débarrassé de cette quincaillerie qui m'entrave.
Je crois qu'elle se tortille plus que ne l'exige le nettoyage, c'est une impression. « Ça me met en nage. » Elle descend de son perchoir, essuie son front d'un revers de manche, j'entrevois des poils sous son aisselle de femelle. C'est ma première sensation depuis ma sortie du coma. Elle s'approche de moi. « Je vous ai apporté un caramel. » A PROPOS DE L'AUTEUR Max Obione s'est emparé du noir sur le tard afin de donner libre cours à son tempérament libertaire.
Dans ses polars et ses nouvelles, ce jeune auteur tardif revisite les archétypes du genre. C'est un franc-tireur des lettres qui, se reposant du noir un temps, met du rose à sa palette. Sur le chemin de la littérature érotique, il commence à semer des cailloux libertins. Mais le noir demeure sa couleur de prédilection.