L'herbe, c'est ce qui envahit tout quand on ne la surveille pas ; ainsi les campagnes abandonnées. C'est aussi une porteuse de fantasmes, sans cesse... > Lire la suite
L'herbe, c'est ce qui envahit tout quand on ne la surveille pas ; ainsi les campagnes abandonnées. C'est aussi une porteuse de fantasmes, sans cesse réinventés : de la féminité au pourrissement et à l'oubli. Ici, c'est-à-dire dans ce volume à l'aspect végétal, il y a bien les pièces d'un jeu, c'est-à-dire d'un récit, d'un dialogue, d'une cantilène, éclatée mais en partie reconstituable. Cependant, rêverie lyrique d'une enfance, dialogue dans une prison, elle-même fantasme en même temps qu'image de prisons et d'oppressions bien réelles, comptes rendus journalistiques, mémoire d'une guerre, ou deux, ou trois, à présent « terminées », autrement dit : les « pièces » du jeu se trouvent faussées, comme contaminées à plusieurs niveaux par ce qui n'est pas elles, avec quoi elles luttent : le corps, le sexe ; la matière, envahissante comme le chiendent (repoussant sitôt arraché) de textes pénétrant en elle par effraction et viol : des graffiti (griffures, agressions caractérisées) au texte scientifique, en passant par les références littéraires et le jeu infini des homonymies, à la fois redondance et destruction. Ce roman devient alors l'espace d'une lutte, tantôt sournoise, tantôt ouverte, à tous les sens du terme, comme celles du sel dénaturé et de la mauvaise herbe, des interdits et de l'inconscient ; ou encore comme la lutte de classes.