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"J'ai maintes fois été étonné, dit Baudelaire, que la grande gloire de Balzac fût de passer pour un observateur : il avait toujours semblé que son principal mérite était d'être visionnaire..." De cette phrase est né en 1946 le "Balzac visionnaire" d'Albert Béguin qui eut un grand retentissement dans le monde des exégètes de "la Comédie humaine", et qui fit lire Balzac avec des yeux neufs. On y vit que Balzac ne pouvait être réduit au rôle de premier romancier réaliste, naturaliste, et qu'on ne rendait pas compte de toute "la Comédie humaine" en la limitant à l'État civil d'un millier de personnages. Pour Béguin, il y a un lien étroit entre le monde intérieur et le monde surnaturel de Balzac, entre les ouvres-mythes "Melmoth", "Séraphîta", "Louis Lambert"... ou les récits symboliques "La fille aux yeux d'or" et les romans d'apparence réaliste. Car "le monde réel ne paraît si réel que parce qu'il est la surface transparente de l'autre". Puis, de 1949 à 1953, Albert Béguin dirigea l'édition en seize volumes du Club français du Livre, qui donnait des romans de Balzac une lecture chronologique ; il écrivit des préfaces pour seize de ces romans. Enfin, il préfaça deux autres romans de. Balzac, au Club des Libraires de France. Albert Béguin rêvait d'écrire un deuxième Balzac, car Balzac l'a accompagné toute sa vie. La mort l'en a empêché. Il fallait au moins réunir ces préfaces et ce "Balzac visionnaire" que Gaëtan Picon présente aujourd'hui avec une lucide admiration.