Quel est donc le seul Droit qui ait eu l'obligeance de nous faire un dessin ? Le seul qui s'apprenne en se promenant ? Le seul que l'on pratique assidûment... > Lire la suite
Quel est donc le seul Droit qui ait eu l'obligeance de nous faire un dessin ? Le seul qui s'apprenne en se promenant ? Le seul que l'on pratique assidûment dès son jeune âge, et qui reste, toute la vie, l'environnement le plus familier ?
Le Droit routier, bien sûr, qui traite, en signes et en couleurs, de piétons et de véhicules, de vitesse et de stationnement, d'animaux et de météo, de sons et de lumières, d'urgence et de prudence. Circulez, c'est codé : la route dit le Droit, l'automobile aussi, Babil original, qui n'est pas pour autant enfantin à connaître.
Derrière les objets-signes qui affichent lois et règlements, il y a un bon siècle de technique et d'Histoire du Droit. Mais surtout, il y a des réponses juridiques exemplaires à un défi sans précédent, celui de la très grande vitesse des véhicules et des regards.
D'où les circulations à double sens entre graphismes et symboles, textes et pictogrammes, chiffres et lettres, contours et couleurs, politique et publicité. Qu'il s'agisse d'articuler des normes nationales et internationales, d'inventer une pédagogie du civisme, de tirer le meilleur parti des mœurs ou des usages, d'inventer enfin des parades pour maîtriser à vue d'œil l'inconnu, l'aléatoire ou l'imprévisible, le Droit routier s'est avéré précocement sensible à deux principes généraux qu'aujourd'hui l'on s'efforce de remettre à l'honneur : précaution, participation. Autant dire qu'il serait injuste de n'en considérer que l'aspect répressif.
Tous ceux qui justifient d'un diplôme de Droit - le permis de conduire - sont peut-être, au volant, juristes sans le savoir. Aux juristes, en tout cas, le trafic ouvre maintes voies où roder leurs méditations normatives.
Anne TEISSIER-ENSMINGER, ancienne élève de l'Ecole Normale Supérieure, agrégée des Lettres et docteur d'Etat en Histoire du Droit, est Chargée de recherche au CNRS.